Une région en mutation

20/12/2008
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Bogotá

33 dirigeants de l’Amérique latine et de la Caraïbe se sont réunis à Salvador de Bahía (Brésil), les 16 et 17 décembre 2008, en Sommet sur l’intégration et le développement, mais sans l’ombre de l’Amérique du Nord et de l’Europe et avec la présence de Cuba. Fait inédit qui marque un tournant dans l’histoire d’une région déterminée à se constituer en un bloc autonome en vue de résoudre des problèmes communs et de faire face au spectre de la crise financière internationale.

Un sommet sur l’intégration et le développement régional s’est tenu à Salvador de Bahía (Brésil), les 16 et 17 décembre derniers, avec la participation des dirigeants de 33 pays de ce nouveau bloc, dont Cuba, et sans la présence des deux voisins de l’Amérique du Nord (les États-Unis d’Amérique et le Canada) et de l’Europe.

Ce sommet a été convoqué dès le début de l’année en cours par le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva.

« Nous voulons être des protagonistes et non des spectateurs dans les théâtres où se décident les perspectives de bien-être et de prospérité pour nos peuples », a déclaré dans son discours d’inauguration du sommet le chef d’État brésilien qui se profile comme le nouveau leader de la région.

Pour le président vénézuélien Hugo Chávez Frías, un autre candidat au leadership de la région, « ce qui est important pour l’indépendance de ce continent, c’est que nous nous réunissons sans l’empire ». Ce fait signifie, aux yeux du ténor du nouveau socialisme du XXIe siècle, que « les États-Unis ne commande pas ici » et qu’« une nouvelle histoire, une nouvelle époque est en train de commencer ».

Les principaux accords conclus

L’intégration officielle de Cuba dans ce nouveau bloc régional, l’exigence faite une fois de plus au gouvernement américain de lever l’embargo économique, financier et commercial contre l’île communiste, la proposition de créer une nouvelle organisation des États américains avec la présence de Cuba et sans la participation des États-Unis d’Amérique et du Canada, la solidarité politique et économique avec le gouvernement bolivien d’Evo Morales figurent parmi les principaux accords et perspectives qui se dégagent de ce Sommet.

Les dirigeants latino-américains et caraïbéens se sont aussi entendus sur la nécessité de renforcer les mécanismes d’intégration et de coopération et de rapprocher leurs différentes positions, de manière à résoudre ensemble les problèmes communs et à faire face à la crise financière internationale.

Dans ce contexte, plusieurs organismes d’intégration, dont le Marché Commun du Sud (Mercosur pour son sigle en espagnol Mercado Común del Sur), l’Union des Nations Sud-américaines (Unasur pour son acronyme espagnol Unión de las Naciones Suramericanas) et le Groupe de Río, se sont respectivement réunis pour débattre des thèmes d’intérêt commun.

Le retour de Cuba dans concert des nations latino-américaines et caraïbénnes

La présence du président cubain Raúl Castro, le frère du révolutionnaire Fidel Castro, à ce premier Sommet de l’Amérique latine et de la Caraïbe a été qualifiée de « transcendantale ». Elle a marqué non seulement le début d’une réintégration de l’île dans la région depuis son expulsion de l’Organisation des États Américains (Oea) en 1962, mais aussi la volonté de construire un nouveau bloc autonome, sans exclusion et libre de l’influence de l’« empire nord-américain ».

Dans son discours, prononcé au cours du Sommet, le président bolivien Evo Morales s’est demandé « comment le pays le plus solidaire au monde peut être expulsé d’une organisation internationale, comment le pays qui est bloqué économiquement par l’empire est le plus solidaire avec les peuples du monde ».

Dans la foulée, le président mexicain, Felipe Calderón, est allé jusqu’à proposer la création d’une nouvelle organisation des pays américains avec la présence de Cuba et sans la participation des États-Unis d’Amérique et du Canada.

Dans une déclaration conjointe des chefs d’État participant au Sommet, ceux-ci ont unanimement exigé du gouvernement américain de lever l’embargo économique, commercial et financier appliqué contre Cuba, y inclus l’application de la Loi Helms-Burton.

La crise financière mondiale au centre des débats

La crise financière mondiale, qui continue de hanter les pays de la région, a figuré parmi les points abordés dans le Sommet.

Sans toutefois parvenir à des accords concrets, les leaders de la région se sont entendus sur le principe d’articuler leurs positions en vue de prendre des mesures conjointes visant à faire face à la crise financière internationale.

Ils ont insisté sur la nécessité de ce que la solution à cette crise surgisse de la région, à partir de ses ressources propres et en harmonie avec le droit international. Comme premier pas vers la recherche de cette solution, ils envisagent de construire un agenda thématique.

Par ailleurs, ils ne se sont pas prononcés sur la proposition du président équatorien, Rafael Correa, de mettre en fonction la Banque du Sud, de créer un fonds de réserve commun pour la région et une monnaie commune pour les échanges commerciaux afin d’abandonner les transactions en dollars américains.

Ces trois mesures permettraient, de l’avis du chef d’état sud-américain, aux pays de la région de consolider leurs politiques fiscales, de promouvoir l’emploi et l’inversion publique et de faire face aux crises fiscales et aux déficits dans la balance commerciale.

Les accords conclus dans les réunions du Mercosur, de l’Unasur et du Groupe de Río

Des organismes d’intégration régionale tels que le Mercosur, l’Unasur et le Groupe de Río ont profité de la présence de leurs membres respectifs pour réaliser des séances de travail.

Les dirigeants membres du Mercosur ont célébré le 35e Sommet du troisième marché le plus grand au monde après l’Union Européenne et l’Accord de Libre-échange Nord-Américain (Alena).

Dans le contexte de l’impact de la crise financière internationale, ils se sont entendus sur un plan d’action pour éradiquer la pauvreté et doter de services de santé et d’éducation à tous les habitants de la région, spécialement les secteurs les plus défavorisés.

Selon le président paraguayen Fernando Lugo qui vient d’assurer la présidence Pro tempore du Mercosur, cette communauté économique doit viser non seulement l’intégration des gouvernements, mais aussi celle des peuples et des communautés auxquels « nous devons une dette historique », a-t-il souligné dans son discours d’investiture.

En ce sens, le Mercosur doit chercher à développer les pays de la région en ce moment important de grandes décisions historiques, a ajouté le chef d’État paraguayen.

Les chefs d’État sud-américains ont aussi décidé de commun accord d’absorber les exportations de la Bolivie vers les États-Unis d’Amérique, suite à la décision de l’administration Bush de suspendre pour un temps indéfini la Loi de Préférences Douanières Andines et d’Éradication de la Drogue en faveur du pays sud-américain. Cette suspension oblige désormais à la Bolivie de payer des taxes pour faire entrer ses marchandises sur le territoire américain.

Cependant, les dirigeants des pays du Mercosur n’ont pas parvenu à des accords pour éliminer le tarif extérieur commun et pour définir le code douanier, deux objectifs jugés fondamentaux pour l’avenir de ce marché commun, créé le 26 mars 1991 suite à la signature du traité d’Asunción et intégré par 5 membres permanents (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela) et 5 autres associés (la Bolivie, le Chili, le Pérou, la Colombie et l’Équateur).

Par ailleurs, les représentants des pays membres de l’Unasur, organisation supranationale née lors d’un Sommet à Cuzco le 8 décembre 2004, mais officialisée à Brasilia le 28 mai dernier, se sont aussi réunis en sommet extraordinaire où ils ont approuvé la création du Conseil Sud-américain de Défense, défini comme un mécanisme de coopération régionale en matière de défense.

Intégrant les ministères de la sécurité et de la défense des douze nations membres de l’Unasur, à savoir l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Chili, le Surinam, l’Équateur, l’Uruguay, le Paraguay, le Venezuela, la Guyane et le Pérou, ce Conseil vise, selon le chancelier brésilien Celso Amorim, à favoriser la confiance mutuelle, les entraînements militaires de manière conjointe et l’unification de l’industrie d’armements.

L’Unasur a aussi présenté son rapport sur le massacre qui a eu lieu dans le département bolivien de Pando où 20 paysans, en grande partie des partisans d’Evo Morales, ont été tués en septembre 2008.

À rappeler que, sur convocation de la cheffe d’État chilienne Michelle Bachelet, présidente Pro tempore de l’Unasur, les dirigeants des pays membres de cette communauté supranationale s’étaient réunis en session extraordinaire où ils ont appuyé à l’unanimité le gouvernement d’Evo Morales et dialogué avec l’opposition bolivienne. Ce qui a contribué à rétablir la paix, du moins pour un certain temps, dans ce pays sud-américain. L’Unasur a été par la suite investie de la mission de mener une enquête sur ce massacre considéré comme une action de déstabilisation contre le gouvernement bolivien.

Nonobstant, l’Unasur a dû reporter au mois d’avril de la prochaine année la ratification du traité constitutif de l’organisme, ainsi que l’élection de son nouveau secrétaire général en raison de l’opposition du président uruguayen Tabaré Vázquez à la candidature de l’ex président argentin Nestor Kirschner, le grand favori pour occuper ce poste.

Le mandataire uruguayen et les Kirschner (Nestor et Cristina Fernández) sont en conflit depuis le blocage du pont reliant les deux pays sud-américains par les habitants de la ville argentine de Gualeguaychú en signe de protestation contre l’installation de la plante de cellulose de Botnia à Fray Bentos, dans la frontière commune.

Le Groupe de Río s’est aussi rassemblé à l’occasion du premier Sommet de l’Amérique latine et de la Caraïbe pour célébrer l’intégration officielle de Cuba comme 23e membre de ce forum.

Dans ce contexte, plusieurs représentants de pays membres de ce Groupe créé en 1986 ont insisté sur la nécessité de bâtir un plan d’action en vue de concrétiser son objectif de consolider la coopération politique et économique entre les pays membres et de fomenter le rapprochement entre eux.

De l’avis du premier ministre jamaïcain Bruce Golding, il faut convertir ce Groupe en un véhicule de concertation en Amérique latine et dans la Caraïbe parce que « le monde est en train de se reconfigurer en conglomérations de nations souveraines », a souligné le dirigeant caraïbéen, se réjouissant de ce que « dans ce groupe, qui vient d’avoir 22 ans, il n’y a pas de conflits internes ni désaccord ».

Du même coup, il a souhaité que « le prochain sommet, qui aura lieu en 2010, soit le cadre pour harmoniser les stratégies ».

Outre Cuba, les 22 autres membres du Groupe de Río, dont le chef d’État mexicain Felipe Calderón assure la présidence Pro tempore, sont : l’Argentine, Belize, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Chili, l’Équateur, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République Dominicaine, Haïti, l’Uruguay, le Venezuela, la Guyane et la Jamaïque en représentation de la Communauté des Caraïbes (Caricom).

Source: ALTERPRESSE

http://www.alterpresse.org


 

 

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